Le Canada doit cesser de profiter des violations de droits humains et du contexte pandémique au Brésil

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Le très honorable Justin Trudeau

Premier Ministre du Canada

Bureau de la Chambre des Communes  

Ottawa, Ontario  

K1A 0A6  

 

L'honorable Marc Garneau

Ministre des Affaires étrangères 

Bureau de la Chambre des Communes  

Ottawa, Ontario  

K1A 0A6  

Objet : Le Canada doit cesser de profiter des violations de droits humains et du contexte pandémique au Brésil

Le Groupe d’orientation politique pour les Amériques (GOPA), un réseau national d'organisations de la société civile canadienne œuvrant pour les droits humains et la justice sociale et environnementale, est profondément préoccupé par la crise des droits humains sans précédent à laquelle sont confrontés les Brésiliens et Brésiliennes depuis l'arrivée au pouvoir du président Bolsonaro.

Nous exhortons le gouvernement canadien, ainsi que toutes ses institutions et ses fonctionnaires, à prioriser les droits humains sur les intérêts économiques en s'abstenant de contribuer à l'instabilité sociale, environnementale et de santé publique au Brésil.

Le Canada et le Brésil entretiennent une relation privilégiée principalement axée sur le développement économique. Les intérêts canadiens au Brésil sont directement liés aux agences canadiennes Exportation et Développement Canada (EDC) et Affaires Mondiales Canada (AMC), ainsi qu’à la négociation de l'accord de libre-échange Canada-Mercosur en cours. De plus, nous sommes préoccupés par la proposition de « mission lancée par invitation du gouvernement » de l'Ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) au Brésil.

Le contexte des droits humains et de la pandémie au Brésil

Selon de nombreux rapports, au lieu de prendre des mesures urgentes pour contrôler cette crise de santé publique, le gouvernement brésilien a adopté une approche négationniste et a ouvertement contredit toutes les recommandations de l'OMS. Cette situation a causé plus de 500 000 décès et l'effondrement du système hospitalier, provoquant des conséquences dramatiques pour les populations pauvres et noires, y compris les enfants. Le 27 avril dernier, ce scénario a conduit à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la gestion de la pandémie de coronavirus par le gouvernement.

En outre, l'administration brésilienne actuelle a activement participé à la création de politiques et de lois qui ont des impacts particulièrement négatifs sur les femmes, les populations autochtones et noires, les travailleurs et l'environnement. 

Par ailleurs, selon le rapport sur les conflits fonciers au Brésil, publié par la Commission Pastorale de la Terre (CPT) le 31 mai 2021, "2020 a été l'année qui a enregistré le plus grand nombre de conflits fonciers, d'invasions de territoires et de meurtres dans des conflits liés à l'eau jamais enregistrés par la CPT depuis 1985. Le nombre d'occurrences est passé de 1 903 en 2019 à 2 054 en 2020, impliquant près d'un million de personnes (...) dans un contexte  grave de pandémie."

Le chaos généré par la superposition des crises dans les domaines sanitaire, social, environnemental et politique se reflète dans plus de 100 demandes de destitution déposées contre Bolsonaro auprès du parlement brésilien. De plus, au moins cinq requêtes l'accusent auprès de la Cour pénale internationale (CPI) de crimes contre l'humanité. Ces crimes découlent de son manque d'action pour contrôler la crise pandémique et, comme le dit le Conseil missionnaire Autochtone de l'Église catholique du Brésil (CIMI), de son "extermination planifiée" des peuples autochtones. 

L'exploitation minière dans la forêt amazonienne

Considérant la crise multidimensionnelle qui secoue actuellement le Brésil, il est déconcertant que des organismes gouvernementaux canadiens aient appuyé des représentants brésiliens lors du congrès de l'Association Canadienne des Prospecteurs et Entrepreneurs (ACPE) en 2021. Exportation et Développement Canada (EDC) et Affaires Mondiales Canada (AMC) ont parrainé les activités du Brésil au congrès de l'ACPE de cette année. 

Malgré le chaos causé par la pandémie et les niveaux records de déforestation dans les biomes de l'Amazonie, du Pantanal et du Cerrado, des fonctionnaires, des cabinets d'avocats et des entreprises brésiliennes ont présenté le Brésil comme une terre d'avenir pour les investisseures miniers, en particulier les investisseurs et les entreprises canadiennes. 

Contrairement à cette campagne pro-mines menée au Canada par les représentants du gouvernement, les peuples autochtones, les mouvements sociaux et leurs alliés au Brésil ont exprimé à plusieurs reprises une ferme opposition aux projets et aux investissements dans le secteur minier.  Par conséquent, malgré les tentatives du Congrès brésilien de modifier la législation environnementale pour autoriser les activités extractives sur les terres autochtones, ces projets risquent tous de se voir refuser un permis social d'exploiter.

Également, des personnes de tous les continents se mobilisent pour défendre les droits territoriaux des peuples autochtones et traditionnels, qui ont été reconnus comme les meilleurs gardiens des forêts dans un récent rapport des Nations Unies. De grands investisseurs européens et catholiques ont également préconisé le désinvestissement au Brésil en raison de la déforestation. Nous nous joignons à ces efforts et dénonçons le rôle des intérêts corporatifs qui menacent notre planète.

Le Canada s'est explicitement engagé à lutter contre le changement climatique et à fournir une assistance internationale féministe basée sur une approche humanitaire. Face à la politique étrangère féministe qui se dessine et l'annonce d'un objectif accru de réduction des émissions de carbone, le Canada doit montrer qu'il a une compréhension systémique des enjeux. Il doit également adopter des actions concrètes pour atteindre ses objectifs. Cela implique une révision des investissements internationaux dans les industries extractives qui ne respectent pas les principes d'économie durable et solidaire, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d'égalité des sexes. Le Canada devrait également conseiller aux entreprises canadiennes de faire de même.

Mission du OCRE au Brésil à la suite de l'invitation du gouvernement

Depuis mars 2020, l’OCRE, Mme Sheri Meyerhoffer, a annoncé son intention de faire une visite au Brésil et en Colombie. Le Réseau Canadien sur la reddition de compte des entreprises (RCRCE), dont le GOPA est membre, a exprimé ses inquiétudes quant à ces visites, étant donné que le Brésil et la Colombie figurent parmi les pays les plus meurtriers au monde envers les défenseurs de l'environnement et des droits humains. Mme Meyerhoffer n'a pas divulgué les objectifs de la visite ni les personnes qu'elle a l'intention de rencontrer, en dehors des responsables gouvernementaux.

Nous considérons que ce manque de transparence est un autre signe explicite de la complicité entre ces gouvernements et leurs intérêts commerciaux sans tenir compte de la protection des communautés affectées par l'exploitation minière ou de la réparation des dommages causés par les entreprises canadiennes.

Les investissements et les projets canadiens ne doivent pas profiter du chaos.
En tant que réseau canadien, nous demandons instamment au gouvernement du Canada :

  1. D'empêcher EDC et AMC de générer tout type de soutien canadien au gouvernement de Bolsonaro. 

  2. D'empêcher EDC et AMC de générer tout type de soutien canadien aux entreprises canadiennes contre la volonté des peuples autochtones et de leurs alliés. 

  3. De suspendre les négociations concernant l'accord de libre-échange Canada-Mercosur. Selon la Confédération brésilienne de l'Agriculture et de l'Élevage (CNA), « la conclusion de cet accord de libre-échange a le potentiel d'augmenter les revenus d'exportation des produits agricoles brésiliens de 7,8 milliards de dollars USD ». Plus de 50 000 personnes ont signé une pétition appelant les Canadiens à ne pas accepter des marchandises qui sont produites au détriment des droits des peuples autochtones et de la destruction de la forêt amazonienne.

  4. De limiter tout engagement diplomatique de l’OCRE avec le gouvernement brésilien.


En tant que société civile canadienne, nous sommes aux côtés de ceux qui défendent l'avenir de notre planète. 

Sincèrement,


Robin Buyers (Co-Présidente)       Laura Ramirez (Co-Présidente)


CC :

L'honorable Karina Gould, Ministre du Développement international, gouvernement du Canada

L'honorable Mary Ng, Ministre des Petite entreprise, de la Promotion des exportations et du Commerce international, gouvernement du Canada

L'honorable François-Philippe Champagne, Ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, gouvernement du Canada

Son Excellence Jennifer May, Ambassadrice du Canada au Brésil

M. Sheri Meyerhoffer, Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE)


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